Aftersun, le film qui réchauffe les cœurs

Lors de l’émission Quelle époque, la journaliste Sonia Mabrouk s’épanchait sur sa définition du sacré. Comme beaucoup de téléspectateurs, je n’ai strictement rien compris à l’acception qu’elle donnait au terme ( lui donne-t-elle elle-même une définition précise ???). Toutefois, une de ses paroles m’a particulièrement touchée. C’était la suivante : “Le sacré, c’est quand la main de votre mère passe dans vos cheveux quand vous êtes dans votre chambre, enfant”. La mère de Sonia Mabrouk est morte.

Après avoir regardé Aftersun, je me suis souvenue de ses paroles et rien ne m’a paru aussi adéquat pour décrire le film que je venais de voir.

Pour reprendre les propos de Sonia Mabrouk, ce film possède une aura de sacré. Quelque chose que l’on ne définit que confusément, une tendresse éphémère vouée à disparaître un jour. Une tendresse qu’on regarde partir avec un désespoir impuissant, parce que rien ne peut ralentir le temps qui passe.

Dans Aftersun, Sophie, devenue adulte, se remémore les vacances passées avec son père 20 ans plus tôt, alors qu’elle avait 11 ans. La trame suit les pas du tandem irrésistible qui se prélasse sous le soleil, se chamaille parfois, et plonge dans les eaux éblouissantes de la côte turque. Le bleu pur de la mer, le doux bruit du vent et les clics discrets d’un camescope rythment toute cette narration. On ne peut pas s’empêcher de tomber sous le charme de ce père fragile, un peu adolescent, fraîchement divorcé. Et que dire de la petite admirablement bien jouée par Frankie Corio ? J’ai rarement vu une enfant exceller autant dans son rôle. Tous les deux sont attachants. Tous les deux ont l’air heureux. Et pourtant. La tragédie du film est que l’on ne sait rien. On ne comprend pas pourquoi Callum souffre alors que tout devrait aller bien. Quand il dit qu’il “s’étonne d’être arrivé jusqu’à 30 ans”, on comprend que le bonheur des vacances est compté. Mais rien n’est précisé : à nous de tout deviner.

Nous vivons les souvenirs troubles de Sophie, avec son regard naïf et réaliste sur les événements. Les choses se sont-elles passées comme on le voit ? Peut-être pas. Le film réussit à capter le mal être discret d’un père qui tente de tout cacher. On assiste à des moments joyeux entre lui et sa fille. Tout à l’air vrai. Quand tout à l’air aussi vrai, généralement on se sent voyeur. Mais ici, on passe juste un moment agréable. La réalisatrice nous montre des instants banals qui n’en restent pas moins empreints de singularité. Et cela peut trouver une certaine résonance chez le spectateur.  Quand on perd un être cher, le moindre détail insignifiant nous manque, et on s’accroche à tous les souvenirs qu’il nous reste. Aftersun évoque à la fois la force éblouissante du soleil et le vide mélancolique laissé par son absence, offrant ainsi une expérience cinématographique riche en émotions contrastées.

Il s’agissait du premier film de Charlotte Welles. Pour moi, c’est une grande réussite. Nul doute que la beauté et l’authenticité du film a été nourrie par son expérience personnelle. Une chose est sûre : j’ai hâte de suivre ses prochains projets. 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *